samedi 5 juin 2010

La réforme territoriale expliquée aux électeurs

Groupe des élus de gauche du Conseil général de la Vienne
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Prétextant d’un manque de lisibilité de l’organisation territoriale, le Président de la République avec
l’appui du gouvernement, se livre à une véritable et dangereuse recentralisation des pouvoirs. En
effet, les différents volets de la réforme territoriale qui ont été ou qui vont être discutés par le
Parlement mettent à mal les acquis positifs de 25 ans de décentralisation. Au lieu d’améliorer
l’existant, la réforme proposée affaiblit notre système de démocratie locale. Celui-ci, pourtant, a fait
ses preuves en permettant de rapprocher les décisions politiques des spécificités et des
préoccupations des territoires.
Explication de texte :
Afin de brouiller la compréhension de cette réforme, le chef de l’Etat et son gouvernement ont
présenté différents textes sans cohérence globale. Difficile donc, pour les citoyens, mais aussi pour
les élus d’appréhender les enjeux des discussions actuelles. Modestement, nous vous proposons ici
une explication des principaux changements attendus :
· Volet financier de la réforme : une mise sous tutelle des collectivités
A la suite de l’annonce inattendue de la suppression de la Taxe Professionnelle (TP) faite par le Chef
de l’Etat le 5 février 2009, le ministère des finances a élaboré dans la précipitation une réforme des
finances locales. Faisant fi de la complexité du sujet et ignorant l’expertise des élus locaux, la
nouvelle architecture mise en place asphyxie financièrement les collectivités territoriales. En effet,
la nouvelle Cotisation Economique Territoriale (CET) composée de la Cotisation Foncière des
Entreprises (CFE) et de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée (CVA), ne permet pas de compenser la taxe
professionnelle (différentiel estimé à 9 milliards d’euros !). Il est donc à craindre que ce manque à
gagner pour les collectivités entraine une augmentation de la pression fiscale des ménages.
Par ailleurs, la réforme propose une nouvelle répartition des impôts entre les collectivités. Dans ce
cadre, les régions et les départements vont perdre une grande partie de leur autonomie fiscale.
Dorénavant, elles ne maîtriseront plus que 15% de leurs recettes contre 30% avant la réforme. A
terme, le risque est grand de voir ces deux collectivités devenir de simples entités de gestion
dépourvues de capacité d’initiative. A cela, il faut ajouter les nombreux transferts de compétences
qui ont qu’insuffisamment été compensés financièrement : Allocation Personnalisée à l’Autonomie,
Prestation de Compensation du Handicap, Revenu de Solidarité Active, Maisons Départementales
des Personnes Handicapées. Pour le seul département de la Vienne, le montant des sommes non
compensées est estimé à 126 millions d’euros sur 5 ans*.
Les collectivités vont donc devoir faire face à un assèchement de leurs ressources qui va limiter la
liberté d’initiative des élus locaux. Dans ce contexte deux solutions sont possibles : soit la qualité
des services publics rendus à la population diminuera, soit les impôts locaux seront augmentés et,
in fine, ce sont les ménages qui paieront la facture. Rappelons au passage que les élus locaux
étaient favorables à une remise à plat totale de la fiscalité locale intégrant un véritable système de
péréquation pour lutter contre les inégalités entre les territoires et une révision des bases
cadastrales. Malheureusement, le gouvernement a décidé de repousser aux calendres grecques
l’examen de ces deux sujets d’importance.

· Volet institutionnel
Le conseiller territorial : une fausse bonne idée
Discuté actuellement au parlement, le volet institutionnel de la réforme territoriale doit créer le
conseiller territorial. Ce « super-élu » aura vocation à siéger, à partir de 2014, à la fois au
département et à la région, se substituant ainsi aux actuels conseillers généraux et régionaux. Le
mandat de conseiller territorial va à l’encontre du principe de la spécialisation des compétences
des élus et institutionnalise de fait le cumul des mandats.
Est-il nécessaire de rappeler que les prérogatives des conseils généraux et celles des conseillers
régionaux sont différentes ? Les compétences des régions et des départements diffèrent à 90%. Alors
que le conseiller général doit être au plus prêt des citoyens pour répondre aux légitimes besoins
sociaux de la population, le conseiller régional doit prendre plus de distance pour élaborer des
politiques économiques et veiller à l’aménagement cohérent du territoire régional. Quelle est la
cohérence et la pertinence de ce nouveau mandat ?
La disparition de la clause générale de compétence : des collectivités menottées
Tous les élus locaux sont d’accord pour travailler à une clarification des compétences exercées par
les collectivités territoriales afin d’éviter les enchevêtrements et les confusions. Pour autant, ils sont
quasiment tous unanimes pour dénoncer la disparition de la clause générale de compétence des
régions et des départements.
Cette disposition, faut-il le rappeler ici, permet aux collectivités de se saisir de tout sujet dans tout
domaine sur la base de l’intérêt public local. C’est l’un des éléments les plus importants du principe
constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Avec cette disposition, les
départements et les régions disposent d’un pouvoir d’initiative leur permettant de soutenir les
projets et les actions de leurs territoires. Concrètement ils peuvent subventionner les associations
culturelles et sportives ou initier des projets ayant un intérêt territorial (par exemple le Futuroscope).
La fin de cette capacité d’initiative fait courir un risque majeur d’appauvrissement des secteurs
culturels et sportifs dont les activités dépendent fortement des subventions des collectivités.
Conjugué à la limitation des cofinancements, cette disposition aura des conséquences très graves
pour les communes rurales et les communes défavorisées qui ne disposent pas de moyens
suffisants pour financer seules leurs investissements.

· Volet électoral : une manoeuvre politicienne
Voici l’aspect le plus grossier de cette réforme territorial. Le mode de scrutin proposé est en effet un
moyen à peine voilé pour la droite de reprendre la main sur les collectivités majoritairement à
gauche. Cette manoeuvre politicienne est inacceptable. Elle marquerait, si elle était validée, un
affaiblissement sans précédent de notre démocratie locale.
La complexité du scrutin envisagé par le gouvernement pour élire les conseillers territoriaux illustre à
lui seul son absurdité : il combine l’élection de candidats au scrutin uninominal (80% des sièges à
pourvoir) avec des listes de candidats élus à la proportionnelle (20% des sièges à pourvoir) ! Bref,
difficile de faire plus compliqué.
Ce mode de scrutin est dangereux à deux égards :
- Il est contraire à la culture électorale de notre pays puisque des candidats pourraient
être élus au scrutin uninominal à un tour, sans obtenir 50% au moins des voix exprimées.
Ainsi, il favoriserait le grand parti de la droite face au pluralisme des partis de gauche.
Avec un tel mode de scrutin 5 des 18 élus de gauche du conseil général de la Vienne
n’auraient pas été élus, alors qu’ils ont rassemblé plus de 50% des voix !
- Il est une régression pour la parité. Avec la disparition du scrutin de liste pour les
élections régionales, l’exigence de la parité ne pourrait plus être respectée. Des
projections montrent qu’avec ce scrutin les femmes perdraient 58% des sièges qu’elles
détiennent dans les conseils généraux et régionaux.
Véritablement, ce volet électoral illustre à lui seul les arrières pensés politiciennes de la réforme
territoriale. Elaborés dans la précipitation, les différents textes de cette réforme territoriale
conduisent à une régression de notre démocratie de proximité. En cette période difficile, au lieu de
centraliser le pouvoir, d’asphyxier les collectivités et d’attaquer la parité n’aurait-il pas été plus
judicieux de mener dans la concertation une véritable réforme d’envergure et digne de ce nom pour
renforcer véritablement la solidarité territoriale, l’équité sociale et l’équilibre fiscal ?
La mobilisation de l’ensemble des élus locaux mais aussi des citoyens est nécessaire pour faire
entendre notre attachement à notre système de démocratie de proximité.

* Estimation communiquée par le Président du Conseil général lors du vote du budget 2010

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